BEZIERS - "La juge, " La Fouine " et les corbeaux ! - Affaire DEVILLE c/ VAN DEN TORREN de MONTAL
Hubert Van den Torren
est un artisan frigoriste. Il n'est pas magistrat. Il n'a pas étudié de
longues années le droit français et n'est donc pas payé tous les mois
pour s'efforcer de le faire respecter.
Hubert Van den Torren est
pourtant devenu le porte-parole intrépide d'une poignée de magistrats et
d'experts de Béziers qui
s'abritent derrière sa plume à l'orthographe flageolante pour dénoncer
les incroyables légèretés dont se rendraient coupables, depuis vingt
ans, les époux Deville : Patrice, 67 ans, avocat général à Montpellier,
et sa femme, Brigitte, 59 ans, vice-présidente du tribunal de Béziers.
Un couple à la faconde méditerranéenne, affable et tonitruant, qui comme
la majorité de ses détracteurs a effectué toute sa carrière dans un
périmètre de 100 kilomètres, entre Béziers, Montpellier, Avignon et
Narbonne. Vingt ans de notabilité supposée profitable, de sédentarité
judiciaire, vingt ans de tentations et de rumeurs. Patrice Deville est
décoré de la Légion d'honneur, son épouse promue dans l'ordre national
du Mérite, cela forcément grâce à leur entregent... Croquignolesque et
grave, l'histoire du tribunal de Béziers raconte comment, dans le
silence réprobateur de ses confrères, un couple de magistrats aurait
joué de son influence, composé avec la loi et récupéré tout ce qui
pouvait servir sa bonne fortune, jusqu'au jour où il serait tombé sur
l'artisan frigoriste Van den Torren.
Un bagarreur, un rien illuminé, qui
décide, lui, que cela ne saurait durer. Et s'emploie à faire le ménage.
Il prend rendez-vous avec tous les magistrats ennemis du couple,
choqués de ces passe-droits présumés impunis, recueille leurs
confidences, obtient d'eux des documents.
Le 28 octobre 2012, puis le 10
avril 2013, l'artisan adresse un épais document, recensant tous ces
conflits d'intérêts présumés, au Conseil supérieur de la magistrature
(CSM). Il liste en page de garde les noms, titres et fonctions de ses
informateurs : un ancien procureur, un expert près les tribunaux, deux
vice-procureurs, un ex-juge des libertés, un ancien président du
tribunal, etc. Dans ce document, Van den Torren écrit : "Je vois qu'on
se sert de moi pour dévoiler une affaire. Je ne suis pas dupe : pourquoi
ne le font-ils pas eux-mêmes ? Je suis surpris que ces magistrats me
dictent depuis deux ans ce que je dois écrire et à qui. C'est eux, la
justice, c'est pas moi."
L'artisan a joint à son courrier le brouillon
que lui a corrigé en rouge un ancien juge. Van den Torren n'a cure de
cette instrumentalisation. Il égrène son exposé détaillé, à partir
duquel, le 18 avril, le Conseil supérieur de la magistrature diligente
une enquête sur la magistrate au tribunal de grande instance de Béziers,
admettant en se pinçant le nez que "les faits sont susceptibles de
recevoir une qualification disciplinaire". Brigitte Deville et deux
vice-procureurs ont été entendus par leur hiérarchie. D'autres
magistrats devraient l'être. Les faits dénoncés vont-ils se vérifier ou
se révéler pure calomnie ?"L'enquête du CSM aura le mérite de tout
clarifier et de blanchir ma cliente", tonne Jean-Robert Nguyen Phung,
l'avocat de Brigitte Deville. L'avocat pénaliste le plus réputé de
Montpellier promet "de s'occuper ensuite des délateurs.Tout cela relève
de l'instrumentalisation, de la haine, du délire".
Coup de fil. Tout
commence lorsque, en janvier 2005, Van den Torren invente un appareil
frigorifique mobile dont il dépose le brevet. Il demande à un carrossier
toulousain de le lui fabriquer. Il découvre en juin 2006 que ce
fabricant aurait copié son brevet et produit les appareils à son compte.
Comme Hubert Van den Torren croit, naïvement, que la justice locale
examinera factuellement les faits, il porte plainte. Un huissier est
nommé pour saisir les lots suspects de contrefaçon. L'huissier
Christophe Banier racontera aux policiers cet étrange incident. Alors
qu'il exécute la saisie dans le hangar, l'épouse du carrossier lui tend
son téléphone portable. En ligne, la vice-présidente du tribunal.
L'huissier refuse de prendre le téléphone. De retour à son étude, il
reçoit à nouveau un appel de la magistrate."Je ne suis pas sûr qu'elle
ait dit que le carrossier était un ami, mais elle m'a dit que ce
monsieur était une de ses connaissances", raconte-t-il lors de sa
déposition. Ainsi donc, en 2011, une magistrate serait intervenue sur
une affaire en cours en appelant un officier de justice pour lui faire
savoir les liens cordiaux qui l'unissent au suspect, et que se
passe-t-il ? Le minimum. Le dossier est délocalisé à Toulouse.
Brigitte Deville ne niera pas avoir téléphoné, mais se défendra de
toute pression. Ses propos paraissent convaincre. Hubert Van den Torren,
lui, moins. Il peine à obtenir réparation de son préjudice, écope de
deux contrôles fiscaux - qui ne révéleront rien. Il s'acharne, exige de
Brigitte Deville des rendez-vous, la menace. Elle porte plainte contre
lui pour "tentative d'extorsion de fonds", il se retrouve en garde à
vue. Sans conséquence. A ses frais, il fait éditer un journal,La Fouine,
listant faits avérés et folles rumeurs véhiculés par ses indics dans la
magistature. Brigitte Deville attaque en diffamation le directeur de
publication et le rédacteur de l'article, les fait condamner en première
instance, mais l'artisan, défendu par Me Olivier Bance, est relaxé. Il
donne alors rendez-vous à tout le petit monde judiciaire de Béziers. Ses
membres le rejoignent en toute discrétion dans l'arrière-salle d'un
café éloigné ou, la nuit tombée, au domicile de l'un ou de l'autre. Et
lui racontent des faits supposés de prévarication, des anecdotes
abracadabrantes, des rumeurs méchantes, aussi. Un ancien magistrat
s'indigne : alors qu'il était allé chasser le mouflon au mont
Carroux,"le garde-champêtre lui confie que M. Deville tire hors de la
période légale. Le garde le lui fait remarquer. Deville répond : "Dans
l'Hérault, c'est moi qui fais la loi."".
Les magistrats Deville
possèdent le château de la Prèpe, à Servian. Une belle propriété qui,
selon le courrier adressé au CSM, serait chauffée par les radiateurs du
tribunal de Béziers. Lorsqu'une entreprise fut chargée d'installer un
nouveau système, Brigitte Deville, la vice-présidente, l'aurait priée
d'installer les désormais inutiles radiateurs en fonte chez elle, dans
son château. Un autre juge raconte les 1 000 hectares de terre achetés
par les Deville en Camargue, sur lesquels ils se vanteraient de
construire des appartements dans une zone pourtant protégée, faisant
croire à la mairie que ces constructions abriteront des laboratoires
pour étudier les animaux."Cela s'appelle un détournement de la loi, un
détournement de construction", certifie à l'artisan le juge qui connaît
par coeur son code de procédure mais reconnaît, lorsqu'on le sollicite,
que ce sont des rumeurs non vérifiées. Les époux Deville auraient aussi
acheté un terrain constructible à Béziers. La vente, confiée à un
mandataire judiciaire, aurait dû, selon le courrier adressé au CSM, être
faite aux enchères. Mais, selon l'artisan, il fut plus avantageux et
surtout moins risqué de monter une SCI, dont la gérante est la mère de
M. Deville, qui aurait acheté le lot, l'aurait revendu et ainsi réalisé
une confortable plus-value. Des accusations graves qui, si elles se
révélaient infondées, pourraient coûter très cher à ceux qui les ont
colportées."Je peux apporter les preuves contraires à toutes ces
accusations dont aucune n'est légitime", martèle Me Nguyen Phung, par
ailleurs avocat du hand-balleur Nikola Karabatic.
Vichy.
Le palais de
justice de Béziers n'est pas un haut lieu de l'héroïsme français. Soit
il est l'abri d'une série de délits, de passe-droits, d'abus d'influence
supposés avoir été commis par un couple que protège une lâcheté
générale. Soit il est le théâtre de règlements de comptes entre gens de
justice dignes de l'atmosphère qui régnait sous le régime de Vichy. Si
certains magistrats se disent au courant de l'étrange comportement que
l'on prête aux époux Deville, ils n'ont pas eu à coeur de les porter à
la connaissance de leur hiérarchie, préférant s'en remettre au courageux
travail de l'artisan frigoriste. D'autres n'ont pas souhaité se joindre
au combat de Van den Torren mais nous racontent d'autres épisodes plus
bizarres encore. Récemment nommée magistrate dans un tribunal de
l'Hérault, une jeune femme téléphone à une consoeur à Béziers. Elles
énumèrent les rumeurs, disent, pour se faire du bien, du mal de M.
Deville. Soudain, une voix d'homme interrompt leurs bavardages.
L'interlocutrice de l'Hérault croit un instant que, par malchance,
Patrice Deville, alors vice-procureur à Béziers et sujet de leur
conversation, a surgi dans le bureau de son amie ; elle pense entendre
sa voix dans le combiné. L'homme les tance directement."Il nous
écoutait, on n'a jamais su comment. On s'est plaintes à notre
hiérarchie, qui a demandé au greffier en chef des explications. Mais
rien ne s'est produit." La magistrate, qui ne saurait ignorer que le
fait est grave, n'a-t-elle donc pas porté plainte ? " Comprenez-moi, ce
monsieur est très influent, or je venais d'être nommée..."
Jalousies magistrales
" Les faits sont susceptibles de
recevoir une qualification disciplinaire ", admet le Conseil supérieur
de la magistrature, qui a diligenté une enquête sur la magistrate
Brigitte Deville au TGI de Béziers. Mais si les accusations portées
contre elle se révélaient infondées, elles pourraient coûter cher à ceux
qui les ont colportées, magistrats eux aussi.
SOURCE:
CONCLU-SION
Frédéric BERGER
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